Ce 20 mars 2019, une vingtaine de personnes étaient réunies lors de la journée d’étude organisée par la commission déontologie du SNP Psy à Paris. Le thème abordé était le rapport entre l’éthique de la responsabilité et le caractère thérapeutique de la relation . Mon but n’est pas ici de vous donner un compte rendu exhaustif de cette journée, mais plutôt de vous faire partager les réflexions que ces échanges ont suscité en moi.
Il a été question, dans le courant de l’après midi, des rapports entre notre conception de la psychothérapie relationnelle et un certain nombre de concepts philosophiques. Ainsi ont émergé les étroites connections entre la responsabilité et la liberté.
« Responsabilité et liberté « , il ne s’agit pas ici de traiter le sujet de manière générale ni de construire une dissertation philosophique.
Il s’agit ici de se poser la question : quelle est notre responsabilité en tant que praticien ? Quel est le lien avec la liberté dont dispose le praticien dans son exercice ?
Notre responsabilité professionnelle repose sur les cinq critères donnés comme condition à notre exercice de praticien en psychothérapie relationnelle par le SNPPsy.
A savoir : un travail sur soi conséquent, une formation sérieuse, la pratique régulière d’une supervision, le respect du code de déontologie et la reconnaissance par un groupe de pairs .
Responsabilité donc, d’être bien formés et accompagnés afin d’offrir à nos patients les meilleures conditions possibles .
Nous inscrivons notre pratique dans ce cadre, c’est notre responsabilité.
Cependant, ce cadre est flexible : nous n’appliquons pas de protocoles, nous ne faisons pas de diagnostics en cochant des cases, nous ne suivons pas de manière rigide quelque méthode que ce soit. Le code de déontologie est là pour marquer des bornes à ne pas franchir sauf à nuire au processus thérapeutique, cependant il incite le praticien à faire preuve de souplesse, d’intuition, de créativité et donc de liberté (le mot est lâché).
La personne qui vient consulter et avec laquelle une relation s’établit, ne peut se résumer à une série de concepts et d’analyses, voire à un diagnostic . Elle résiste à la mise en items. Elle ne peut se réduire à entrer dans des cases . Comme tout être vivant, cette personne est sans cesse changeante et imprévisible : qui peut prévoir à l’avance ce que le sujet va amener lors d’une séance? Quelle sera sa réaction à notre parole ?
C’est pourquoi le praticien doit être capable de s’adapter, de faire des choix, de prendre des décisions . Nul autre que lui ne peut le faire à sa place : intervenir ou choisir le silence, poser telle question, proposer une mise en situation, remettre du cadre……..
Qu’est ce que la liberté sinon faire des choix et prendre des décisions ? En tant que praticien en psychothérapie relationnelle, c’est notre lot quotidien.
Qui va être responsable de ces choix ? Pas de protocole sur lequel s’appuyer pas de formateur ni de superviseur à blâmer.
Les choix que fait le praticien, en conscience, sont exclusivement de sa responsabilité.
Certes il peut trouver aide et conseil, mais en dernier ressort c’est à lui de décider comment il va orienter la séance, de quel outil il va se saisir, quelle posture il va prendre.
Sa liberté implique une grande responsabilité. A l’inverse le fait d’assumer la responsabilité de ses choix le rend libre . Liberté et responsabilité sont les deux faces d’une même réalité.
Mais qu’est-ce qu’assumer nos responsabilités ? Je dirai que c’est pouvoir faire face en conscience aux conséquences de nos actions. Reconnaitre nos erreurs et nos insuffisances (nous en faisons tous) est essentiel car essayer de les comprendre va permettre de pouvoir progresser dans notre pratique……. apprendre de ses erreurs, une chose à laquelle notre éducation ne nous a pas habitué pour la plupart d’entre nous.
Pas facile d’avancer dans la vie en conscience en reconnaissant nos faiblesses, nos faux pas et nos difficultés …. c’est cependant le meilleur moyen de s’adapter au mieux aux circonstances changeantes du monde .
On voit ici que liberté et responsabilité sont connectées aux notions d’adaptabilité et de souplesse , qualités qui sont nécessaires à la Vie pour s’épanouir depuis des millions d’années ( essais, erreurs, succès, cul de sac évolutifs, et foisonnement d’espèces) .
Dans un monde d’êtres responsables, le déni de réalité si souvent pratiqué par nos contemporains n’a pas sa place. Les « fake new » sont contre-productives . Ce mode de fonctionnement mêne au bout du compte à la mort (la violence, le conflit inutile, la guerre…..).
Remettre en question les informations qui nous parviennent, chercher et vérifier les sources, réfléchir aux interactions complexes des faits, essayer d’avoir plusieurs angles de vision d’une même réalité, afin de se faire sa propre opinion, demande une certaine énergie .
Beaucoup préfèrent la fausse sécurité de croire sur parole tel ou tel leader ou courant d’opinion et de se glisser dans ce cocon rassurant. Cette attitude mentale conduit à laisser prendre aux autres des décisions pour soi (quitte à critiquer après).
Rester figés sur des positions, dans le déni d’une réalité changeante, rend vulnérable, incapable d’adaptation . La liberté et la responsabilité qui va de pair, demandent du courage. Mais ce courage sera payé en retour.
Et si l’on sait que la principale finalité d’un travail thérapeutique avec un praticien relationnel est un processus d’individuation qui veut rendre le sujet plus libre, plus responsable et donc créatif, la boucle est bouclée .
Les êtres Libres et Responsables sont dans le courant de la Vie .
Christiane Laurent 29 mars 2019
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