publié le 18/11/19 par Yves Lefebvre
Le mal-être n’est pas un trouble mental qu’on pourrait décrire puis éradiquer par un médicament ou un protocole de rééducation psychologique. Il n’est pas de nature médicale mais de nature existentielle et relationnelle.
Il ressortit aux accidents de parcours de la condition humaine quand la construction de soi comme sujet capable de se réaliser dans sa propre forme d’être et d’agir dans la vie de façon créative a été freinée ou empêchée. Le mal-être dont nous nous occupons se transforme naturellement au fur et à mesure que le sujet advient, ce que nous appelons le processus de subjectivation, et ce processus ne se développe que dans une qualité relationnelle particulière tenant davantage à l’être du thérapeute qu’aux méthodes qu’il utilise.
Ainsi dans la lignée des précurseurs Reich, Ferenczi, Bion, Carl Rogers, Binswanger et tant d’autres éminents psychologues, psychanalystes innovants et philosophes-thérapeutes, nous soignons le mal-être par la relation psychothérapique, complémentairement au traitement du trouble mental. Celui-ci ressortit à une autre forme de psychothérapie plus médicale, fort utile mais aux objectifs différents et ne s’adressant pas au même niveau d’être.
L’aptitude à conduire le processus de subjectivation par la qualité de la relation exige un long travail sur soi, une connaissance de l’inconscient, une formation solide à la pratique de l’art psychothérapique relationnel. L’être-thérapeute du psychopraticien s’y affine ainsi que sa capacité à établir une relation éthique qui soit soignante en elle-même, acquise par un processus au long cours.
Médecins, psychologues, philosophes, formateurs, infirmiers, artistes ou autres personnes issues de toutes sortes de métiers s’y préparent longuement après une expérience de vie, quand ils ont ressenti la nécessité vitale de se réaliser selon leur propre forme de libre sujet indépendamment de leur titres et diplômes antérieurs, ce qui légitime leur droit d’accompagner d’autres personnes dans ce processus.
Mais voilà qu’on nous propose de classer la psychothérapie du mal-être dans la catégorie fourre-tout et non psychothérapique des accompagnants du bien-être, à côté des métiers de relaxation, massages, conseils, développement personnel, yoga, méditation etc. ou autres activités formatrices très utiles et honorables mais complètement différentes du « connais-toi toi-même et deviens qui tu es » sur quoi se fonde notre pratique de psychopraticiens relationnels.
Le désir irrépressible d’être reconnu donc réglementé par des instances fondées sur des critères opposés aux nôtres mériterait d’être mieux analysé. Notre belle profession de psychothérapie relationnelle en plein essor et novatrice pourrait-elle se saborder elle-même dans des compromis dénaturants en échange d’une reconnaissance totalement illusoire mais parfaitement aliénante ?
Yves Lefebvre
auteur de L’Éthique relationnelle en psychothérapie
et coauteur avec Philippe Grauer de La Psychothérapie relationnelle éd. Enrick B
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